Une boutique “fiction” pour réfléchir aux transitions
Le Propulseur revient sur les routes… direction le futur !
Vous pourrez bientôt découvrir la boutique “fiction”, un lieu unique qui regorge d’objets étonnants, qui vous projettera en 2050… Pour se rafraîchir la mémoire sur le projet en cours, c’est par ici.
Le concept de la boutique “fiction”
En entrant dans la boutique “fiction”, le visiteur sera accueilli avec ce message :
Bienvenue dans la boutique “fiction” ! Ici c’est bien plus qu’un magasin. Nous vous proposons une expérience originale… Faites vos courses puis tentez votre chance pour gagner un voyage exceptionnel vers une destination qui VOUS correspond.
Ainsi, après avoir rempli votre panier d’achats, notre système innovant de caisse automatique vous inscrira à la grande loterie pour gagner un ticket vers une destination de rêve. Notre système s’appuie sur de puissants outils de calculs pilotés par IA et détermine le voyage qui vous correspond le mieux avec un minimum de 5 articles achetés !
Au sein de notre boutique, découvrez les produits et services les plus innovants d’Occitanie en 2050. Vous trouverez forcément ceux qui vous conviennent !
Mais, comment en sommes-nous arrivés là, accompagnés de nos partenaires l’Université de Toulouse, via le projet Tiris, et Kimiyo ? C’est ce que nous allons tenter de vous expliquer.
Les différentes étapes de conception
Créer un nouvel outil de médiation dans une démarche de prospective
Se baser sur les scénarios de futurs de l’ADEME
Pour créer une telle boutique, il y a tout un travail de recherche et de conception à produire. En effet, nous souhaitons faire réfléchir le public sur les grands domaines sur lesquels agir pour une transition de nos territoires. Ceux qui sont ressortis sont la gestion des ressources naturelles (agriculture, alimentation…), nos modes de production, la santé et l’énergie.
Ce nouveau projet s’inscrit donc dans une démarche de prospective. Mais, qu’entend-on par prospective ? Le Larousse a la réponse : “Science ayant pour objet l’étude des causes techniques, scientifiques, économiques et sociales qui accélèrent l’évolution du monde moderne, et la prévision des situations qui pourraient découler de leurs influences conjuguées.”
Par conséquent, notre but est de montrer que les choix de société impactent notre avenir. Nous nous sommes alors appuyés sur le travail de l’Agence de la transition écologique (ADEME) qui a imaginé quatre scénarios très contrastés comprenant des options économiques et techniques pour atteindre la neutralité carbone en 2050.
Ainsi, les différentes destinations de voyage du futur, que pourra gagner fictivement le visiteur, reprendront les composantes de ces quatre scénarios présentés ainsi :
- Génération frugale. La transition est conduite principalement par la contrainte et la sobriété.
- Coopérations territoriales. La société se transforme dans le cadre d’une gouvernance partagée.
- Technologies vertes. L’innovation est mise au service de systèmes énergétiques décarbonés.
- Pari réparateur. La société place sa confiance dans la capacité à réparer les systèmes sociaux et écologiques.
En fonction des objets choisis, le visiteur sera guidé vers des destinations différentes puisque ses choix influent sur l’évolution des sociétés.
Comment proposer des objets du futur qui n’existent pas encore ?
Voilà l’un des défis de ce projet. Plusieurs contraintes nous ont permis de cadrer notre imagination.
- Les objets doivent convenir à au moins un des quatre scénarios.
- Les objets relèvent, certes, de la fiction mais ils doivent, tout de même, être assez réalistes pour permettre d’aborder des technologies du futur ou des recherches en cours.
- Ils doivent correspondre à des objets du quotidien que l’on peut retrouver dans les rayons alimentation, santé/hygiène, jardinerie, transports, électroménager, sans oublier les loisirs !
Nous avons souhaité intégrer une vingtaine de produits fictifs aux rayons de la boutique “fiction”. Cela permet ainsi de balayer les différentes catégories d’objets du quotidien tout en gardant en tête l’espace disponible dans le camion.
Commence alors un travail de veille scientifique (études et rapports en tout genre sur les énergies, la mobilité, le climat…), culturelle (films, livres, bandes dessinées…) et artistique (design, illustrations…).
Puis, s’enchaînent les brainstormings créatifs. Et, grâce aux parcours variés de l’équipe, les idées fusent et se rencontrent. Les premières ébauches d’objets commencent à surgir. Nous avons également sollicité nos supers collègues volontaires, lors de séances de création. Leur regard extérieur a été riche d’enseignements.
L’importance d’un comité d’experts garant de la dimension scientifique du projet
Il n’y a pas que les collègues qui ont été impliqués dans le projet. En plus d’un comité de pilotage, nous avons constitué un comité d’experts. Celui-ci a participé aux différentes étapes du projet et validé la véracité scientifique de nos propos ! Il est formé de spécialistes en lien avec les thématiques du projet. Que ce soit en prospective, en transition des territoires ou encore en sciences et sociétés, les membres de ce comité nous apportent leur expertise sur la manière d’aborder les messages que nous voulons faire passer auprès du public.
Tout d’abord, des temps en plénière nous ont permis d’établir le cadre du projet et de soulever les grandes questions qu’il pose. Puis, des temps d’échange individuel ont été organisés avec comme objectif d’intégrer au scénario les approches et visions d’une grande pluralité d’acteurs. Tous ces moments, qui ponctuent nos réflexions sur la boutique “fiction”, sont extrêmement enrichissants. Ainsi, à la suite de ces réunions, des objets et services ont pu être imaginés et le catalogue qui les rassemble est, actuellement, évalué par les étudiants de Arielle Syssau de l’université Paul Valéry à Montpellier.
A l’issue des rencontres, les membres du comité d’experts nous orientent aussi vers leurs propres contacts. Ainsi, nous sommes amenés à échanger avec une grande variété de personnes apportant leur pierre à l’édifice. Notre entretien avec Michel Robert nous a ainsi poussé à développer un service de gestion des consommations (eau, énergie ET données numériques !).
Notre comité d’experts sera aussi sollicité sur les aspects de conception des ateliers pédagogiques animés à bord de la boutique “fiction”. Par exemple, pour l’atelier qui aborde le sujet de « Comment les civilisations, qui ont précédé la nôtre, ont-elles réagi face aux crises et défis auxquelles elles ont dû faire face ? », les membres du défi clé sciences du passé pourront nous apporter leur regard avisé pour finaliser l’atelier.
Beaucoup de surprises sont à venir, et le comité d’experts est là pour s’assurer qu’elles gardent toutes une dimension scientifique.
Sous quelle forme ?
Un nouveau site internet
S’est alors posée la question : sous quelle forme voulons-nous présenter les objets au public ? En prenant en compte les différentes contraintes, nous avons remarqué qu’il est plus intéressant d’allier la visite “physique” de la boutique (comme une exposition classique) avec le numérique.
En effet, le but est ici de créer une boutique la plus réaliste possible. Une boutique où le visiteur peut choisir de nombreux produits présentés dans des rayons. Or, cette mise en scène ne nous permettait pas de diffuser un contenu trop important. Et juxtaposer des cartels à des objets, c’était revenir au principe le plus éculé de la muséographie. Pourtant, un riche contexte entoure ces objets venant du futur, quand ce n’est tout simplement pas le principe de leur utilisation qu’il faut expliquer. C’est pour cela que la sélection et l’achat fictif des objets se fera via un site de e-commerce, via le téléphone du visiteur ou alors sur des bornes interactives présentes dans la boutique.
Ainsi, sur ce site internet, le visiteur pourra découvrir toutes les informations nécessaires sur les objets. Il aura également le choix entre différents moyens de paiement, comme par exemple la monnaie locale ou le troc. Cette borne et sa façon de régler le guideront vers sa destination de voyage, en adéquation avec ses choix de produits dans la boutique. Cette plateforme sera aussi source d’informations supplémentaires. Ainsi, des ressources seront mises à la portée du public : lien avec la recherche en cours, impact des objets sur l’environnement, lien avec la situation régionale…
Le site est également une astuce pour proposer plus de produits qu’il y en aura dans les rayons, et donc certains avec la mention “exclusivité web”.
Pour un résultat impeccable, nous avons rédigé un cahier des charges pour la réalisation du site et fait appel à un prestataire. Notre mission, à nous, est d’en créer le contenu. Il faut alors nous pencher sur la description des objets, leur contexte scientifique et les concevoir, que ce soit pour les intégrer dans la boutique ou pour le site internet. S’ensuit alors un travail de recherche pour rappeler les enjeux auxquels chaque objet peut répondre et pour apporter des informations sur les raisons pour lesquelles il pourrait permettre de s’approcher d’un monde moins polluant en 2050.
Quel design fiction adopter ?
Une fois le concept de notre boutique “fiction” bien avancé, après avoir eu l’aval de nos chers experts et avoir mobilisé les cellules grises de nos collègues, il a fallu se lancer dans le grand bain de la réalisation. Enfin, nous avons pu commencer à donner forme à toutes nos idées.
Demandez le catalogue !
Premièrement, les objets. Une quarantaine, en quelques jours, sont sortis de notre imagination débordante sous formes de croquis, de descriptions écrites ou encore de post-it un peu courts mais inspirants.
Nous les avons, petit à petit, mieux caractérisés, c’est-à-dire que nous avons affiné leur utilité et le contexte de leur utilisation. Chaque objet devant correspondre à un de nos quatre scénarios (pour rappel : génération frugale, coopérations territoriales, technologies vertes et pari réparateur), cela implique un univers différent avec des visions du monde différentes et donc une forme bien caractéristique. Alors, on dessine, on discute, on imagine le slogan ou la publicité qui pourrait accompagner l’objet pour mieux l’ancrer dans son scénario (“Filtropluie : le filtre d’eau de pluie efficace et malin ! Jusqu’à 26% d’économie d’eau par an !”). On redessine, on rediscute et on se met d’accord. La création, c’est comme ça : rater, réessayer, rater mieux…
Après avoir obtenu des objets de plus en plus précis, que la forme s’applique à la fonction (et que la fonction s’est aussi, un petit peu, adaptée à la forme) alors nous avons pu élaborer un véritable catalogue de tous nos objets classés par scénario. Un catalogue où l’on retrouve, pour chaque objet, une description commerciale, un slogan, l’intérêt de l’objet dans le contexte du scénario, un contexte scientifique (ne perdons pas le Nord)…
Faire appel à une intelligence artificielle
Et surtout – grande nouveauté pour nos équipes – des visuels très précis réalisés avec l’aide de l’intelligence artificielle ! En l’occurrence, Dall-E 3, une IA dédiée à la création d’images, nous a permis de créer plusieurs illustrations de nos produits. Une expérience inédite dans notre processus de création qui a le mérite d’apporter, assez rapidement, des visuels de qualité. Mais, si nous avons pu “prompter” correctement la description des objets et obtenir ce que nous désirions, c’est bien grâce au travail que nous avons fourni en amont. Ici, l’IA nous a aidés à servir notre propos et à illustrer ce que nous avions déjà dessiné. Non pas à créer de toutes pièces des objets.
Avoir des visuels au rendu réaliste va, tout de même, pouvoir nous aider pour la prochaine étape, celle de la conception des objets avec la réalisation de maquettes qui seront rangées sur les rayonnages de notre boutique. Un passage au volume que nous avons déjà, quelque peu, commencé grâce à l’aide de notre stagiaire Gabrielle, étudiante en CPGE Arts Appliqués, qui nous a montré tous ses talents de maquettiste en réalisant des prototypes du masque Multirisk.
Une scénographie du futur… mais pas trop !
En parallèle des objets, l’aspect créatif concerne également d’autres parties du projet, notamment la scénographie intérieure et l’habillage extérieur de la semi-remorque.
Au sujet de la scénographie intérieure, il faudra attendre encore quelques semaines pour en dévoiler les premiers éléments. Même si tout le travail se fait en parallèle, la priorité a évidemment été donnée à la conception des objets qui nous ont permis d’affiner notre concept dont la scénographie sera l’écrin.
Tout ce que nous pouvons dire pour l’instant, c’est que le projet nous impose une problématique très intéressante. En effet, comment imaginer une boutique du futur quand on demande au visiteur de créer, par ses choix, son futur ? Comment proposer un décor futuriste qui n’influencera pas le visiteur lors de sa prise de décision ?
Si nous réalisons une scénographie très futuriste, inspirée de science-fiction, il va de soi que les produits correspondant au scénario génération frugale (faits de bois, d’argile et de matériaux de récupération) détonneront fortement, au risque même d’être dévalorisés. Et, de la même façon, dans une scénographie low-tech, les objets très futuristes risqueront de passer pour incongrus.
Et à l’inverse, alors qu’il est fort possible qu’en 2050 les principes du design et de la décoration n’aient pas été révolutionnés, comment faire comprendre que nous sommes dans le futur et que de grands changements auront eu lieu ? Car en parlant de 2050, nous évoquons, finalement, un futur très proche : 25 ans nous séparent. Si de nombreuses évolutions technologiques peuvent encore survenir d’ici-là (comme nous en avons eu de nombreuses depuis 25 ans), il est très difficile de prédire leur influence sur l’esthétique de notre quotidien.
Mais, nous arrêterons ici le cours d’histoire de l’art et du design. Laissons ce sujet à des professionnels.
Savoir bien habiller notre truck du futur
Ce sont tout de même des questions qui se posent également pour l’habillage extérieur de la semi-remorque. Et ce n’est pas rien cet habillage : 72 m² de stickage à prévoir. Ça va se voir de loin !
L’idée est de reprendre les codes des camions ambulants qui viennent dans nos villages pour vendre des produits du quotidien à l’mage des camionnettes d’épiciers, ou des semi-remorques spécialisées dans les produits de bricolage. Mais, en ajoutant à cela un univers futuriste qui donne envie de s’approcher et de rentrer. Un univers qui évoque quelque chose de différent et à la fois pas trop éloigné du quotidien de notre public qui sera tout autant urbain, semi-urbain que rural.
Pour cela, nous avons fait, de nouveau, confiance à notre duo d’illustrateurs issu des Sables d’Olonnes : le Yak. Une troisième collaboration, après les expositions Code Alimentation et Hydrogèn’Oc. Nous allons nous appuyer sur leur style coloré, vivant et imaginatif pour rassembler le plus de monde possible autour de notre camion préféré. Premiers rushs en cours !
En résumé et dans le désordre !
Une semi-remorque magnifique, quatre scénarios futuristes, quarante objets, une médiation de l’espace, 20 chercheurs passionnés, une boutique “fiction”, de l’intelligence artificielle, un site internet, beaucoup de café, des partenaires incroyables et une équipe de choc… il aura fallu au moins tout ça pour réaliser ce projet très ambitieux qui verra le jour en avril 2025.
Tout cela sans évoquer les super ateliers qui commencent à être imaginés, le maillage territorial que nous voulons faire durant la tournée, les liens avec des programmes de recherche, les associations, les citoyens et les élus…
La nouvelle version du Propulseur s’annonce riche ! (La suite au prochain épisode.)
Remerciements
Nous tenons à remercier vivement, pour leur implication et leur enthousiasme, toutes les personnes qui, en date du 28 octobre 2024, ont participé à ce projet :
Philippe Terral, Sociologue au CreSco, Professeur à l’Université Toulouse III – Paul Sabatier, Vice-Président Science Avec et Pour la Société de l’Université de Toulouse, Nicolas Dietrich, Professeur des universités à l’INSA, au Toulouse Biotechnology Institute, Jean-Noel Murgia, Responsable de mission Prospective pour la Région Occitanie, Nicolas Hervé, Maître de conférences en didactique des sciences et des questions socialement vives au laboratoire Education, Formation, Travail, Savoirs de l’Université Toulouse Jean Jaurès et de l’ENSFEA, Marina Casula, Directrice du master Transition des territoire à l’Université Toulouse I Capitole, Hubert de Rochambeau, Administrateur d’Instant Science, ancien président d’INRAE Nouvelle-Aquitaine, François Jouaillec, Président d’Instant Science, Arielle Syssau Vaccarella, Professeure en Psychologie, Responsable du programme de recherche « Emotion & Cognition », dans l’équipe « Cognition, émotion, communication et éducation », du Laboratoire Epsylon de l’Université Paul Valéry, Nathalie Blanc, Professeure des Universités, spécialiste en psychologie et ergonomie à l’Université Paul Valéry, Corinne Siino, Professeure d’urbanisme et d’aménagement à l’Université de Toulouse 2 Jean Jaures, coordinatrice du parcours Politique des transports et mobilités, Mickael Martin, Chef de projet du Défi Clé Mobilité Intelligente et Durable en OCcitanie MIDOC, Marie Pierre Gleizes, Enseignante-chercheuse en informatique à l’Université Toulouse III Paul Sabatier, responsable scientifique du Défi Clé Mobilité Intelligente et Durable en OCcitanie MIDOC, Benjamin Marquebielle, Chercheur associé et assistant de communication au laboratoire TRACES, chef de projet du Défi Clé Sciences du Passé, Robin Furestier, Membre associé du laboratoire Archéologie des Sociétés Méditérranéennes, chef de projet du Défi Clé Sciences du Passé, Michel Robert, Professeur des Universités, directeur du Centre Informatique National de l’Enseignement Supérieur (CINES), Benoit Pujol, Vice-président sciences et société et transition écologique de l’Université de Perpignan Via Domitia, Isabelle Laplace, Co-responsable du Pôle Prospective à l’ENAC, spécialiste “Aviation sustainability”, membre du Défi Clé MIDOC, Céline Lemercier, Co-responsable scientifique du défi clé MIDOC, professeure en psychologie cognitive et ergonomique, co-responsable de l’équipe cognition en situations complexes au CLLE – Université Toulouse Jean Jaures, Armand Lattes, Professeur émérite des universités, spécialiste de la chimie.