© Valentin Urvois
Petit guide pour débuter dans la photographie des planètes
Cet automne et cet hiver, les trois planètes les plus photogéniques (Mars, Saturne et Jupiter) sont visibles dans le ciel nocturne. Une bonne occasion de se lancer dans la photographie des planètes, discipline bien spécifique. Mais pas d’inquiétude… notre médiateur en astronomie est là pour vous guider !
Photographie des planètes : la bonne technique
Prendre des photos des planètes est sans doute l’une des premières choses que tout amateur d’astronomie nouvellement équipé tente de faire. Il est en effet difficile de résister à la volonté de vouloir immortaliser l’image de la Lune pour partager son observation avec ses proches. Si la Lune se prête assez bien au jeu, les photos des planètes prises au smartphone derrière l’oculaire sont souvent plus décevantes… À moins d’utiliser la bonne technique. On vous dit tout…
Avant de commencer, notons qu’il n’est pas forcément nécessaire d’avoir un télescope pour faire des photographies des planètes ou de la Lune.
En photographie, le « zoom » se nomme la focale. Une focale courte, par exemple 18 mm, correspond à un objectif grand angle, tel qu’on le trouve sur nos smartphones. À l’inverse, une focale longue, par exemple 400 mm, correspond aux téléobjectifs utilisés par les photographes sportifs.
Instinctivement, il est normal de penser qu’il faudra une très longue focale pour prendre les planètes en photo. En effet, depuis la Terre, leur taille angulaire dans le ciel est très petite. À titre de comparaison, la Lune est environ 35 fois plus grosse vue depuis la Terre que Jupiter.
Quant à la Lune justement, il est possible de la cacher avec l’ongle de son petit doigt à bras tendu, elle n’est donc pas si grosse que ce que l’on image bien souvent. La prendre en photo nécessite alors une longue focale… si l’on veut que ça soit le sujet principal de notre image.
Mais la Lune ou les planètes peuvent seulement être un des éléments d’une photo plus large, auquel cas une courte focale convient parfaitement. On peut ainsi photographier les conjonctions entre les planètes et la Lune, réaliser des paysages en intégrant cette dernière, lors de son lever par exemple… une multitude de possibilités s’offrent à vous !
© Valentin Urvois
Quel matériel choisir pour pratiquer la photographie des planètes ?
Nous avions déjà vu ensemble comment bien choisir son matériel d’observation lorsque l’on débute en astronomie. On ne serait que trop rappeler que l’élément primordial avant de se lancer reste le choix adéquat de son matériel. Ici, dans le cas de la photographie des planètes, deux cas de figures sont possibles : l’utilisation d’un téléobjectif ou bien d’un instrument astronomique. Pour les deux, les principes généraux sont les mêmes. Ces réglages seront décrits plus bas.
La photographie au téléobjectif peut cependant être une première approche si vous en êtes déjà équipé, dans la mesure où l’on peut obtenir des bonnes images de la Lune en « one shoot ». Mais les planètes, elles, nécessitent une focale vraiment plus grande pour obtenir des détails. Il est donc peu pertinent d’utiliser un téléobjectif (sauf éventuellement dans le cas d’un rapprochement planétaire).
Pour prendre les planètes en photo, le télescope va remplacer l’objectif de notre appareil. On va le monter « au foyer », c’est-à-dire accrocher directement la caméra au télescope, à l’aide de bagues conçues pour cet usage. Presque tous les instruments peuvent convenir, tant qu’ils sont correctement réglés. C’est d’ailleurs un des points à vérifier. Les lunettes ne demandent normalement pas de réglages de l’optique, mais l’alignement des miroirs des télescopes doit être vérifié avant la prise de vue. Selon le modèle exact de télescope, la procédure est plus ou moins compliquée, mais c’est une étape indispensable.
Dans les instruments à éviter, notons les lunettes achromatiques à courte focale, qui présentent de l’aberration chromatique provoquant un liseré coloré sur les parties contrastées, ainsi que les télescopes newtons catadioptriques. Ces derniers ressemblent à des télescopes de Newton classiques, mais affublés d’une lentille non démontable dans le porte oculaire, censée augmenter la focale, mais dégradant au final sensiblement l’image. On les reconnait facilement dans la mesure où ils affichent une focale environ deux fois plus longue que la longueur physique du tube.
De manière générale, les télescopes sont plus indiqués. Les modèles Cassegrain offrent de bonnes performances dans ce domaine, mais les autres formules conviennent également. C’est un plus si l’ensemble est monté sur une monture motorisée, mais moyennant de l’entrainement, il est possible de faire le suivi à la main (suivre la planète en déplaçant le télescope manuellement), comme par exemple, avec un télescope Dobson.
Pour ce qui est de la focale, celle-ci peut s’allonger à l’aide d’une lentille spéciale nommée lentille de Barlow. Attention toutefois, rien ne sert de vouloir utiliser la plus grande focale possible. Il est recommandé d’adapter sa focale de façon à ce que le rapport Focale (en mm) / Diamètre de l’instrument (en mm) se situe entre 15 et 20. Par exemple, sur un télescope de 150 mm de diamètre et 750 mm de focale (F/D 5), utiliser une lentille de Barlow nous permettra de multiplier la focale par trois et ainsi d’obtenir une focale de 2250 mm.
En photographie planétaire, tout est question de résolution
Lorsque nous parlons de résolution, nous parlons de la taille des plus petits détails perceptibles. Un gros télescope offre une meilleure résolution qu’un instrument plus petit, on est donc tenté de choisir un plus grand diamètre.
Cependant, même le plus gros télescope du monde, sans système de correction, ne pourrait exploiter ses capacités au maximum.
En effet, la stabilité du ciel est le facteur primordial lorsque l’on cherche à percevoir les fins détails. L’atmosphère de notre planète n’est pas simplement une couche transparente, elle est animée de mouvements. Or, chercher à photographier de très petits détails dans une atmosphère trouble s’avère très compliqué. C’est un peu le même phénomène que lorsque l’on regarde le fond d’une piscine : les carreaux du carrelage ou les objets posés au fond nous paraissent déformés par les remous de l’eau. Il en est de même avec les remous de l’air, qui vont masquer les plus petits détails en théorie perceptibles.
Deux solutions existent pour contrer ce phénomène.
Les télescopes professionnels utilisent des systèmes qui analysent la turbulence atmosphérique, et la corrige en déformant un des miroirs plusieurs milliers de fois par seconde. De tels systèmes sont inaccessibles aux amateurs, il a donc fallu trouver une autre stratégie.
Heureusement pour nous, la turbulence n’est pas constante, elle peut varier rapidement en quelques secondes. Il peut donc y avoir quelques instants très calmes, qu’il va falloir saisir. Cependant, ces moments sont imprévisibles. Pour être sûr de capturer les images les plus nettes possibles, la technique consiste à prendre non pas une photo, mais une vidéo, ce qui correspond en réalité à plein d’images mises bout à bout Puis, à l’aide d’un logiciel, à sélectionner les meilleures d’entre elles.
Il est possible de réaliser les images avec un appareil photo classique de type reflex ou hybride. L’avantage est qu’ils permettent de couvrir la Lune en une seule photo, grâce à leur grand capteur. Ils ne sont cependant pas vraiment adaptés aux planètes. En effet, ces astres sont tout-petits sur un capteur d’appareil photo, ils sont donc entourés sur l’image d’une grande zone noire inutile. Prendre des centaines de clichés va d’une part entrainer une usure prématurée de l’appareil, et d’autre part, générer une quantité de données tellement grande que le traitement sera excessivement long.
À la place, il vaut mieux utiliser une petite caméra planétaire. On peut trouver les premiers modèles d’occasion entre 100 et 200 euros . Elles offrent une très bonne sensibilité, et surtout une cadence d’image bien plus rapide qu’un appareil photo, permettant d’atteindre des vitesses de plusieurs centaines d’images par seconde. Elles nécessitent cependant l’usage d’un ordinateur portable.
Les réglages indispensables à une bonne prise de vue des planètes
Concernant la prise de vue, tout se fait en réglage manuel, que l’on travaille avec un appareil photo ou une caméra.
La première étape consiste en la mise au point de l’image. Pour les planètes, il ne faut pas hésiter à surexposer l’image, de façon à rendre les satellites bien visibles. Lorsque la mise au point est correcte, ils doivent former un petit point. On peut aussi s’aider du limbe de la planète, ou bien des anneaux sur Saturne.
Il ne faut pas hésiter à refaire la mise au point avec chaque capture, de manière à s’assurer qu’au moins une d’entre elle sera bonne. La turbulence rend parfois cette étape délicate. Il arrive que l’on trouve notre réglage correct alors qu’en réalité l’image est légèrement défocalisée.
Au niveau des paramètres d’acquisition, il faut trouver le juste milieu entre le réglage de la sensibilité (iso ou gain), et la vitesse d’obturation. Une sensibilité trop forte fera apparaitre beaucoup de grain qui aura du mal à s’estomper au traitement. Une vitesse trop lente ne suffira pas à figer la turbulence, et l’image restera légèrement floue. Il ne faut pas hésiter à faire des tests avec les différents réglages afin de trouver le couple idéal. Attention à ne pas surexposer l’image. Pour éviter cela, referez-vous à l’histogramme, la courbe ne doit pas être collée sur le bord droit.
Au niveau de la durée de capture, mieux vaut ne pas dépasser une ou deux minutes. En effet, Jupiter et Saturne sont des planètes dont la rotation est relativement rapide (une dizaine d’heure). Une capture trop longue va résulter en un déplacement visible des détails à la surface de la planète, et donc une image plus floue.
Bien traiter ses images : l’ultime étape avant la révélation !
Nous y voilà, nous avons enfin nos images ! Mais avant de les révéler, reste une dernière étape, celle du traitement. Celui-ci peut se réaliser avec un seul logiciel, même si l’utilisation conjointe de plusieurs programmes permet d’aller encore plus loin. Un bon « couteau suisse » est le logiciel Astrosurface, disponible gratuitement sur internet.
La première chose à faire est de corriger d’éventuels soucis de suivi. On peut pour cela utiliser le logiciel PIPP. Il se charge de recentrer chaque image, la planète, ou la portion d’astre visée, et de tout compiler dans une vidéo lisible par les autres logiciels. Il permet également de faire un premier classement des images, ainsi que de recadrer les photos, ce qui accélère les traitements futurs.
Ce logiciel n’est toutefois plus aisément trouvable sur le web, une petite recherche sur les forums d’astronomie s’imposera.
Une fois notre vidéo prête, il faut l’importer dans Astrosurface. Une fenêtre s’ouvre alors, nous demandant l’opération que nous souhaitons réaliser. Dans notre cas de figure, il s’agit de sélectionner RBG colors, puis cliquer sur REGISTER.
Tout d’abord, le logiciel va procéder à une analyse des images, afin de chercher lesquelles sont les plus nettes. Une fois cette analyse terminée, les clichés sont triés du meilleur au moins bon, et l’utilisateur peut choisir le nombre d’images qu’il va vouloir assembler. En règle générale, 25% est une bonne valeur de départ.
Le logiciel va ensuite placer des points de repères sur la surface, et procéder à l’empilement des images. Cela va permettre de lisser le grain de l’image, qui ainsi, ne se révèlera pas dans l’étape suivante.
L’image obtenue à la sortie de l’empilement peut sembler encore floue. Il va falloir lui appliquer quelques traitements avant d’obtenir le résultat final. Outre corriger la balance des couleurs, le contraste ou la luminosité, il faut surtout appliquer un traitement de déconvolution. Celui-ci va recalculer l’image. En effet, lorsqu’un télescope observe un objet ponctuel, l’image obtenue n’est pas un point mais une petite tache. La planète peut s’apparenter à plein de petits points côte à côte, l’image obtenue par le télescope semble donc floue puisqu’il la transforme en un ensemble de petites taches. La déconvolution permet de corriger en partie ce souci.
Votre image est alors presque terminée, il ne reste plus qu’à peaufiner en réalisant de petits ajustements si vous le souhaitez.
Vous voilà donc l’œil aiguisé et paré pour de belles heures de photographie céleste !
Gardez juste à l’esprit que cet article aborde de manière simplifiée la prise de vue des planètes, avec les techniques les plus accessibles pour vous permettre de vous initier en autonomie à cet art nocturne.