Avant les vacances d’été, on a lancé une idée à Science Animation : « Ce serait sympa, à l’occasion de la Fête de la science, d’organiser des chats vidéo entre des chercheurs et des classes éloignées des grandes villes ». Bonne idée ! Et puis on est assez fan de ce type d’opérations comme les Hangouts – du nom de l’outil de conférence vidéo en ligne de Google – du CNES, qui connectent des professionnels du spatial avec des passionnés.

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De retour de vacances, les projets redémarrent, la charge de travail augmente de manière exponentielle, et là, avec ma collègue Elodie Decarsin, on sort la phrase fatale : « bon, on va faire ça, mais on fait quelque chose de très LEGER, hein… ». Que n’avais-je pas prononcé !

Ce jour-là, j’ai sans doute dû croiser un chat noir en passant sous une échelle, ou casser le miroir d’une vieille sorcière qui m’a maudite sur 10 générations de hangouts… Je ne sais pas, je ne saurais l’expliquer… En médiation scientifique, il y a ces projets complexes, qui demandent beaucoup de temps de travail : conception d’exposition, développement d’outils numériques, etc. Et puis y’a ces projets simples à première vue, mais qui se révèlent finalement de véritables usines à problèmes…

Cependant, je ne veux pas vous effrayer, sachez que cette opération s’est finalement joliment conclue et que ces difficultés ne sont sans douté liées qu’à une poisse temporaire (enfin j’espère !). 😉

Voilà donc comment cela s’est passé…

Obstacle 1 : convaincre chercheurs et classes de participer

A un mois de la fin de la Fête de la science, il ne fallait pas trop tarder. Par chance, deux associations du Groupe Science Animation Midi-Pyrénées ont voulu tenter l’aventure avec nous : Fermat Science dans le Tarn et Garonne, et Carrefour des sciences et des arts, dans le Lot. Avoir de supers relais sur place, que demander de plus ! Très vite, ils ont mis dans la boucle deux enseignants partants pour expérimenter la chose. Une enseignante d’une classe de 3e au collège Saint Joseph de Beaumont de Lomagne, et un enseignant d’une classe de 3e au collège de Luzech.

Au départ, nous allions organiser deux sessions. Puis nous nous sommes dit qu’il pourrait être encore plus intéressant de connecter des chercheurs avec les deux classes : trois départements de Midi-Pyrénées reliés en même temps ! La session se ferait la semaine du 13 octobre, dernière semaine de la Fête de la science, juste avant les vacances.

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Ensemble, nous avons alors choisi d’inviter deux chercheurs à participer à la même session de discussion en ligne afin de croiser les profils : Baptiste Vignolle, du Laboratoire National des Champs Magnétiques Intenses de Toulouse, et Anne Magali Seydoux-Guillaume du laboratoire Géosciences Environnement Toulouse, tous deux ayant participé aux vidéos Qui cherche cherche. A un peu moins de 3 semaines de la session, ce n’était pas gagné. Et pourtant, moi qui pensais rencontrer une grande difficulté sur cette étape, cela s’est fait sans encombre : les chercheurs ont accepté aussi vite que les enseignants, ravis de participer à cette discussion informelle en ligne.

Obstacle 1 : franchi

Obstable 2 : bien préparer le chat vidéo avec l’outil Hangout

Hangout est l’outil de visioconférence de Google, équivalent à Skype, permettant de connecter jusqu’à 10 utilisateurs. Le choix s’est porté sur cet outil car il est très simple d’utilisation et possède une fonctionnalité plutôt intéressante : la possibilité de diffuser en direct sur YouTube la discussion vidéo.

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Pour cette fois-ci, pas de direct. On expérimentait, on jaugeait les contraintes techniques. Le direct, ce sera pour la session bien calée, où tout le monde est à l’aise 😉

Pour un outil qu’on utilise régulièrement pour des réunions professionnelles, cela nécessitait néanmoins pas mal de calage pour une discussion entre une classe et un labo.

Tout d’abord, tous les points de connexion (classe à Beaumont, classe à Luzech et labos) devaient disposer d’un compte Google + permettant de se connecter à l’outil. Nous pouvions en créer pour l’occasion afin de ne pas obliger les participants à en créer.

Dans la classe, il fallait par ailleurs une bonne connexion à Internet avec un accès ouvert à l’outil de Google (parfois bloqué dans certains établissements). Il fallait par ailleurs un grand écran et des haut-parleurs pour diffuser les échanges à toute la classe. Et puis un ordinateur à la webcam et au micro suffisamment performants pour bien capter l’ensemble de la classe et entendre les élèves assis à une certaine distance du PC. Dès que la session a été programmée, nous avons donc rapidement réalisé des tests entre nous (Science Animation, Fermat Science et Carrefour des sciences et des arts) pour bien prendre en main l’outil et juger des problématiques techniques (coupures audio quand on bougeait le PC, contre-jour gênant, micro à bien caler, etc).

Du côté des chercheurs, le matériel n’avait rien de bien compliqué : un ordinateur portable avec webcam, micro et haut-parleurs intégrés suffirait. Enfin, ça, c’était ce que je pensais naïvement…

Obstable 2 : franchi

Obstacle 3 : trouver un lieu de connexion sur le campus

… car mon emballement me rend parfois un peu bête : trouver un lieu sur un campus pour faire une visioconférence avec Hangout, ce n’est pas si simple… En effet, pour des raisons de connexion, cela n’a pu se faire finalement directement dans les laboratoires de nos deux chercheurs comme nous l’espérions. Pas bien grave, nous les réunirons dans un autre lieu. Heuuuu… en fait, ce n’est pas si simple sur un campus universitaire ! Il fallait trouver une salle disponible, pas trop bruyante, avec une très bonne connexion (car une mauvaise n’aurait pas permis de bien entendre les chercheurs, et auraient donc fait perdre l’attention des élèves), la possibilité de se connecter (car ce n’est pas parce qu’il y a une connexion, qu’on peut !), et l’accès à l’outil Hangout car certains lieux bloquent les autorisations à ce type d’outils pour des raisons de sécurité d’informations.

J’ai eu la chance de trouver des interlocuteurs vraiment réactifs et agréables, qui m’ont conseillée pour trouver le bon lieu : le service informatique de l’université, le service communication, le Campusfab… Bref, pour une « petite » opération, j’ai embêté pas mal de gens :/ Finalement, après en avoir discuté avec eux, le principal problème n’était pas tant de se connecter (on le pouvait grâce aux codes des chercheurs ou dans certains lieux disposant de PC connectés), ou d’avoir accès à Hangout qui est autorisé à pas mal d’endroits (interdit cependant pour des échanges dans le cadre de travaux de recherche particuliers). Non, le problème, c’était tout simplement de trouver une salle libre, denrée rare sur un campus universitaire ! J’ai donc tapé à la porte d’une bibliothèque avec qui nous avions déjà travaillé, et dont le personnel, adorable, nous a sauvés à une semaine de l’évènement, en nous prêtant une petite salle disponible ce jour-là. Ouf !

Mais c’était vraiment parce qu’ils sont très gentils et qu’ils ne voulaient pas nous laisser ainsi en difficulté. Cette salle ne pourrait être notre « QG » pour des hangouts réguliers (même une fois l’an). C’est donc avec un sentiment d’échec que je reste encore aujourd’hui, car je n’ai pas trouvé de lieu favorable, proche des laboratoires toulousains, qui me permettrait d’assurer à chaque fois le coup et ne pas être obligée de sonner partout, un ordi à la main, et un embarras permanent en dérangeant ainsi les gens dans leur travail. Si vous avez des idées, je suis vraiment preneuse !

Obstacle 3 : contourné

Obstacle 4 : mettre à l’aise les deux classes

Autre problématique : faire en sorte que les deux classes soient suffisamment à l’aise ensemble pour pouvoir s’exprimer et poser toutes leurs questions. Je l’avais déjà constaté lors de la formation de deux classes au livetweet : lorsqu’ils ont été réunis, j’ai fait face à un énorme mutisme. Il s’agissait donc de consacrer une bonne quinzaine de minutes avant l’échange avec les chercheurs pour les décrisper un peu. On leur poserai donc quelques questions sur leurs gouts et leur expérience de chat vidéo, on tirerai au sort de la première classe à poser une question, etc.

Sauf que voilà, à quelques jours de la discussion, une classe a fait face à un problème de dernière minute et a malheureusement dû se désister. Donc pas de test simultané avec deux classes pour cette fois-ci… 🙁

Obstacle 4 : tombé avant même de l’avoir approché

Obstacle 5 : derniers préparatifs avant la discussion

Nous arrivions à la dernière semaine du projet. Nous avions donc prévu trois points de connexion : un à la fac, avec nos deux chercheurs réunis dans une salle, aidés techniquement sur place par ma collègue Elodie ; un deuxième à Beaumont de Lomagne dans une classe de 3e, gérée par une enseignante et Thomas de l’équipe Fermat Science ; et enfin un dernier, chez moi, me permettant d’animer le débat et de relancer si besoin les chercheurs.

Techniquement, tout était calé : PC avec l’outil Hangout installé, webcams, écrans, micros, accès à internet… Sur mon PC, j’avais également installé des logiciels permettant de faire des captures vidéo et photos de l’échange.
Le déroulé de la séance était rédigé et envoyé à tous les intervenants avec quelques idées de questions : « Quelles études avez-vous suivies ? », « Pouvez-vous nous raconter une semaine type dans votre travail ? », « Quel est votre plus beau ou votre pire souvenir de chercheur ? », « Si vous deviez donner un top 3 de ce que vous adorez dans votre métier ? et de ce que vous détestez ? »…
Les consignes avaient été transmises : accrocher un panneau « ne pas déranger » à la porte, couper toutes autres applications, utiliser le chat écrit en cas de problème, etc.

Mais voilà, à J-2 je reçois un message m’informant qu’il y aura grève à la fac ce jour-là et que le bâtiment sera fermé…

A J-2 + 2 minutes (sans aucune exagération) : j’apprends que malheureusement l’un de nos chercheurs doit s’occuper de ses enfants atteints de la varicelle qu’évidemment il n’a lui-même jamais encore attrapée…

Quand ça ne veut pas…

Pour le bâtiment, pas de souci, l’équipe nous a permis quand même d’accéder à la salle prévue. Ils sont vraiment top ! Malheureusement, notre pauvre Baptiste n’a pas échappé à la varicelle, confus de devoir annuler la veille sa participation. Mais pas de souci, Anne Magali Seydoux Guillaume était là pour répondre à toutes les questions des élèves. Même si nous n’avons pas pu proposer deux regards différents comme prévu, le partage de son expérience a été d’une grande richesse pour nos jeunes.

Obstacle 5 : franchi avec pertes et fracas

Obstacle 6 : réussir l’échange

Nous en étions donc à ce fameux jour d’échange.

J’ai tout d’abord lancé une conversation avec la classe durant une dizaine de minutes pour voir si tout se passait bien pour eux, et représenter le projet et les consignes. Ils ont alors regardé un portrait vidéo de la chercheuse, permettant de la présenter dans son contexte.

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Puis j’ai ajouté à la discussion Anne-Magali Seydoux Guillaume. Après lui avoir proposé de se présenter, j’ai invité les élèves à poser leurs questions. Je pensais qu’il y aurait un petit moment de gêne, mais pas du tout ! Les élèves ont vite levé la main pour poser leurs questions. Pourtant, ils n’avaient eu qu’un quart d’heure avant la séance pour y réfléchir.

« Vous travaillez avec quel matériel ? », « Ca sert à quoi ce que vous faites ? », « Vous pensez que votre métier est durable ? On aura bien un jour tout découvert ! », « Vous voyagez beaucoup ? », « Pourquoi découvre-t-on moins de choses importantes aujourd’hui ? »… Des questions que n’aurait sans doute pas posées un journaliste, et qui pourtant, taraudent nos jeunes élèves.

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De mon coté (je vous épargnerais les quinze minutes de coupures d’Internet à mon domicile – poisse quand tu nous tiens…), j’essayais de relancer les questions quand il y avait de trop longs silences. Mais les petits décalages de sons me faisaient parfois couper la parole aux élèves. Il vaut mieux dans ce cas accepter les flottements et laisser faire les choses.

A 5 minutes de l’échange, je prévenais tout le monde de la fin imminente. Les questions ont alors fusé, montrant l’intérêt des élèves pour cet échange. Ils ne voulaient plus quitter la salle !

Nous avons ensuite fait un bilan. Du côté de la classe, un grand succès. La vidéo avant la discussion leur a permis de se mettre dans le bain et de bien cerner la personne. Par contre, ils auraient souhaité avoir un peu plus de temps pour préparer des questions.

Du côté de la chercheuse, retour aussi positif : elle qui n’appréciait pas ce type d’outil a même changé d’avis ! Elle a vraiment ressenti l’intérêt pour des échanges avec le public. Et pour une fois, on lui posait des questions moins conventionnelles. Cependant, il a manqué un temps lui permettant de poser à son tour des questions aux élèves. Et autre point très négatif : la mauvaise qualité d’image due à un débit médiocre qui ne lui permettait pas de bien voir les visages des élèves. Car elle aurait aimé voir si elle perdait ou non leur attention.

Obstacle 6 : franchi !

Finalement…

Malgré tous ces petits désagréments, il faut rester objectif : ce type d’outil est extrêmement pratique pour créer des échanges difficilement faisables. On a vite tendance à laisser tomber la mise en place de rencontres entre des jeunes et des professionnels, faute de disponibilité ou de moyens pour les déplacements. Pourtant, aujourd’hui il est de plus en plus facile de créer des discussions très riches en ligne. Organiser une discussion sur les métiers de la recherche, partager une expérience professionnelle à des jeunes en plein choix d’orientation, créer un débat sur un sujet scientifique… Nous pouvons susciter plein d’échanges avec un matériel de plus en plus accessible. (Mais j’ai bien conscience que beaucoup de villes ne disposent pas encore de bonne connexion à Internet).

Il est donc certain que nous reproduirons l’opération. Mais nous avons aussi d’autres idées en tête et notamment celle de « scénariser » un échange à distance. Pourquoi ne pas imaginer un scénario catastrophe où la seule issue pour les élèves serait de poser les bonnes questions aux chercheurs pour éviter le pire. Ou réaliser un grand brainstorming à distance sur la robotique. On peut imaginer plein de choses !

En attendant, je garde en tête les deux points à corriger :

  1. Trouver un lieu sur un campus universitaire permettant d’organiser ce type d’échange sans déranger qui que ce soit. Peut-être en utilisant une clé 4G… ça resta à tester !
  2. Ne jamais, au grand jamais, prononcer les mots « On va faire quelque chose de léger » en médiation scientifique. C’est comme dire trois fois « Bloody Mary » devant un miroir ou « Je reviens, je vais chercher des bières à la cave » quand un serial killer rode dans les parages…

A bon entendeur 😉