Forum Tourisme scientifique et montagne
Le Forum Tourisme scientifique et montagne, organisé dans le cadre du réseau Science(s) en Occitanie, s’est tenu le 19 janvier 2023 à la Maison du Parc national des Pyrénées à Tarbes. Le but : réunir les professionnels de la médiation scientifique et ceux du tourisme en montagne afin d’entrevoir des pistes de collaborations.
Ce forum a été organisé par Instant Science en collaboration avec le Parc national des Pyrénées et le Pic du Midi.
« Observer les oiseaux, c’est déjà avoir un impact »
Melina Roth, directrice du Parc national des Pyrénées, a ouvert la journée du forum en rappelant l’importance du travail mené sur le territoire et de la mise en collaboration de tous les acteurs en lien avec la culture scientifique et le tourisme. Elle a également salué les actions déjà en place qui contribuent à une meilleure compréhension des enjeux environnementaux.
« Observer les oiseaux, c’est déjà avoir un impact », la directrice du Parc national des Pyrénées, nous rappelle qu’en cette période de mutation, il est possible, à chaque échelle, de mettre en place les actions nécessaires à la préservation de la biodiversité. La conservation des écosystèmes ne peut se faire sans ses habitants. Elle doit donc s’organiser en lien étroit avec les instances publiques, les associations, les centres de recherche et les citoyens. Selon Melina Roth, pour mobiliser l’engagement de chacun, il est crucial de prendre en compte la diversité des approches et des situations sur le terrain.
Comment le tourisme scientifique peut-il réinventer l’expérience en montagne ?
Le tourisme scientifique constitue une passerelle entre le monde des sciences et celui du tourisme, afin de contribuer à une meilleure connaissance d’un territoire et de ses enjeux. Ce tourisme peut prendre diverses formes : tourisme culturel ou d’aventure à dimension scientifique, écovolontariat scientifique, valorisation du patrimoine industriel et technique… Le thème du forum révèle un engagement fort des structures de médiation scientifique. Mais aussi, du secteur du tourisme face aux changements de la pratique touristique liés au réchauffement climatique d’autant plus visible en montagne.
Centrée autour de la question « Comment le tourisme peut-il réinventer l’expérience en montagne ? », cette rencontre professionnelle a démarré avec une table ronde. Cette dernière tente de questionner la place des sciences dans les lieux touristiques et la mise en tourisme de lieux scientifiques. Initialement, quatre intervenants devaient être présents, cependant la date de cette rencontre coïncidait avec un mouvement de grève national et une météo peu clémente. Daniel Soucaze des Soucaze, directeur du Pic du Midi et Joël Combes, chargé de mission tourisme durable au Parc national des Pyrénées étaient invités à l’occasion de cet échange pour partager leur retour d’expérience et échanger avec les professionnels présents.
Un lieu scientifique peut-il devenir un objet touristique ?
Le Pic du Midi est avant tout un lieu d’observation et de recherche. En 1994, sous l’impulsion de la Région Midi-Pyrénées, un syndicat mixte est créé avec pour ambition de réhabiliter le site. Le projet prévoit un renouvellement global des infrastructures en gardant les scientifiques travaillant sur place tout en ouvrant une partie des lieux au public. Puis en 2000, l’observatoire du Pic du Midi ouvre de nouveaux ses portes au public après plusieurs années de rénovation.
« Transformer un site scientifique en lieu touristique, cela ne se décrète pas. » nous raconte Daniel Soucaze des Soucaze. Un gros travail de scénographie a été mené avec l’aide de scientifiques, mais aussi d’une journaliste en capacité de vulgariser les contenus. Une étude de marché a permis d’orienter le produit touristique vers une clientèle ciblée. « Quand les gens montaient au Pic, ils venaient chercher deux choses : le panorama et l’accès à la haute montagne. » précise le directeur du Pic du Midi. Le site a fait le choix de vendre avant tout une expérience avec des soirées étoilées, des veillées ou encore une nuit au sommet, plutôt que comme un lieu scientifique.
Présent dans le public, Rémi Cabanac, directeur scientifique du Pic du Midi et astronome à l’Université de Toulouse ajoute « Nous avons appris à animer la science, ce qu’on ne savait pas faire du tout. Le premier musée était différent, moins accessible, on a dû apprendre à avoir un autre regard sur la médiation scientifique. Aujourd’hui, les produits proposés aux clients qui ont du succès ont en filigrane cette science. ».
Comment la science apporte-t-elle un autre regard sur nos paysages ?
Les actions du Parc national des Pyrénées s’articulent autour de la médiation scientifique, notamment en lien avec le développement de la fréquentation touristique du territoire. Les Pyrénées ont une haute valeur écologique et représentent un espace à forte fréquentation touristique. Cette chaîne de montagne rassemble une extraordinaire diversité de milieux, d’habitats et d’espèces très fragiles. L’activité touristique peut être génératrice d’impacts sur ce milieu et ses espèces.
« La médiation scientifique, naturaliste que l’on met en œuvre a pour objectif de concilier la découverte des richesses naturelles et leur préservation. » nous explique Joël Combes, chargé de mission tourisme durable au Parc national des Pyrénées. La mission de l’établissement public est d’apporter une meilleure connaissance du territoire et de sensibiliser les publics à leur sauvegarde. Mais jusqu’où peut-on aller dans la diffusion de ces connaissances ? En effet, cette diffusion peut engendrer une trop forte fréquentation des milieux désignés comme sensibles.
« Nous avons dû travailler avec des accompagnateurs en montagne mais aussi des prestataires touristiques et des professionnels pour faire le relai. Cela a permis de démultiplier les messages auprès des publics. Pour rendre les connaissances scientifiques accessibles et susciter l’intérêt des touristes, il a fallu étudier les comportements des usagers. Ainsi que les taux de fréquentation des activités qui s’y déroulent. Au final, soit il fallait mieux informer, soit limiter l’accès à certaines zones du territoire. » conclue Joël Combes.
Cartographie du Parc national des Pyrénées © Olivier Debuf – OFB – Lien source de l’image
Trouver une balance entre le tourisme rentable et le tourisme durable
Le tourisme incarne un enjeu essentiel pour les économies locales et pour l’attractivité du territoire en région Occitanie. La responsabilité des acteurs du secteur du tourisme et de la culture scientifique est donc de rechercher un équilibre. Cet équilibre doit être favorable à la préservation des milieux naturels. Pour ce faire, il faut initier les acteurs du tourisme aux actions concrètes à mettre en œuvre sur le terrain. Ces actions doivent s’adapter à la réalité des situations et aux enjeux du territoire. Il faut également sensibiliser les élus locaux pour enclencher les transitions des politiques publiques. Cependant, il faut leur donner les clés nécessaires aux citoyens pour les rassurer sur les changements et mutations à venir. Les lieux touristiques rassemblent de nombreuses personnes de par leur grande attractivité. Mais, ils sont aussi des vecteurs de transformation en capacité de porter des messages.
La matinée s’est ainsi conclue par de nombreux retours de l’ensemble des participants, engagés autour de ce lien entre médiation, sensibilisation et tourisme.
Espace des initiatives du Forum Tourisme scientifique et montagne
L’après-midi a notamment été l’occasion de découvrir les projets de plusieurs acteurs de la culture scientifique et de l’éducation sur le territoire.
Dans l’œil de l’isard, les temps des Pyrénées par Géoccitania, Haute-Garonne (31)
Gaétan Link de Géoccitania a présenté ses idées et premiers concepts de son exposition itinérante « Dans l’œil de l’isard, les temps des Pyrénées ». En prenant le point de vue de l’isard, cette initiative a pour but d’exposer l’histoire géologique des paysages dans lequel il évolue. Tout ceci en développant parallèlement les rythmes de la vie de la faune et de la flore en montagne. Ce projet s’inscrit dans une démarche de tourisme lent. Il invite les visiteurs à vivre et à mesurer les périodes plus ou moins longues pour découvrir la biodiversité ainsi que la géodiversité de la montagne.
L’initiative a pour format principal une exposition itinérante. Elle est accompagnée d’une mallette pédagogique à destination des animateurs. Ils pourront aussi développer le sujet en s’appuyant sur le contenu de l’exposition.
Préservons le ciel étoilé en pays Toy par Instant Science, Hautes-Pyrénées (65)
Cette initiative portée par Instant Science est un projet destiné à créer une ou plusieurs Aires Terrestres Éducatives (ATE) déclinées en Aires Célestes Éducatives dans le pays Toy. Elle a pour objectif de sensibiliser les élèves et les habitants sur les sujets suivants : biodiversité nocturne, astronomie, pollution lumineuse. Le but est de mettre en place une méthode d’évaluation transférable et reproductible sur la pollution lumineuse. Les élèves seront pleinement acteurs de ces ATE. Ils seront ainsi accompagnés et guidés par leurs enseignants, l’inspection académique, des parents d’élèves, des élus locaux et des structures expertes (le Parc national des Pyrénées, l’Office national des Forêts, l’association Instant Science).
Il est mené dans les 4 communes du pays Toy : Barèges, Gèdre, Luz-Saint-Sauveur et Esquièze-Sère. Ces dernières sont incluses dans la Réserve Internationale de Ciel Étoilé (RICE) du Pic du Midi. D’une durée de 2 ans, ce projet est financé par le Parc national des Pyrénées, l’Office national de la Biodiversité, les communes et des coopératives des écoles.
Certificat de spécialisation Tourisme vert – Accueil et Animation en Milieu Rural par Agrocampus 64, Pyrénées-Atlantiques (64)
Ce certificat de spécialisation est porté par le Centre de Formation d’Apprentis Agricole des Pyrénées Atlantiques. Il a pour objectif de former à la mise en œuvre d’un projet d’activité de tourisme rural dans divers domaines. Cette formation permet de développer des compétences afin de créer et développer des prestations touristiques. Le futur professionnel apprend à prendre en compte les caractéristiques de l’environnement socio-économique du territoire.
Plaquette de présentation de la formation CS Tourisme vert.
La Maison de la connaissance du risque sismique par le Centre Pyrénéen des Risques Majeurs (C-PRIM), Hautes-Pyrénées (65)
Le C-PRIM a exposé sa principale mission qui consiste en la gestion scientifique et l’animation de la Maison de la connaissance du risque sismique basée à Lourdes. Ce centre a pour objectif d’informer les publics sur les tremblements de terre. Plusieurs maquettes interactives illustrant les effets des séismes sur les bâtiments sont à disposition des visiteurs. Ce lieu offre la possibilité d’observer des sismomètres et leurs enregistrements en direct. On peut aussi y ressentir un séisme sur un simulateur accompagné de lunettes de réalité virtuelle. À l’extérieur, une exposition grandeur nature illustre les principes de construction parasismique. Une salle vidéo diffuse de courtes vidéos sur le thème des séismes. Des activités spécifiques sont également proposées aux enfants : jeu de construction, lecture, animation en ligne, dessins animés.
Big Télescope et Célescope par le Balcon des Étoiles – Association Les Pléiades, Haute-Garonne (31)
Le Balcon des Étoiles – Association Les Pléiades a présenté le projet en cours de construction nommé Big Télescope et Célescope qui consiste à installer deux télescopes aux antipodes. L’un serait implanté en France, l’autre en Nouvelle-Calédonie. Ce dispositif permettrait d’observer le ciel des hémisphères nord au sud quasiment 24h/24. Des créneaux d’observation seront disponibles à la demande pour les amateurs d’astronomie, les étudiants, ou encore pour les scolaires. Le télescope installé en France au Balcon des étoiles, pourra être notamment visité en fonction de son utilisation par le grand public ainsi que les scolaires lors de leurs venues sur site.
Partenariat avec la Cité scolaire du Couserans par la Station d’Écologie Théorique et Expérimentale (SETE) – CNRS, Ariège (09)
Cette initiative est portée par l’unité mixte de recherche SETE CNRS en partenariat avec la Cité scolaire de Couserans. Ce projet multidisciplinaire (mathématiques, SVT, biotechnologie, anglais) a pour objectif de développer le goût des sciences à travers la question de la biodiversité. Des élèves des classes de 3ème à la Terminale ont été mobilisés pour créer notamment des posters rédigés en français et en anglais reprenant des points clés du rapport du GIEC datant d’avril 2022.
Randonnée de suivi scientifique participatif « Sur les traces de l’ours » par le Pays de l’Ours – Adet, Haute-Garonne (31)
L’association Pays de l’Ours est venue présenter sa journée randonnée en montagne encadrée par un accompagnateur membre du Réseau Ours Brun. Les randonneurs participent à la recherche des indices de présence d’ours : traces, poils, photos, vidéos… Ils apprennent à identifier les indices de présence de la faune sauvage. Ils font eux-mêmes les relevés scientifiques des traces d’ours. Ces relevés seront transmis au réseau de suivi officiel pour analyse. Les randonneurs relèvent également les pièges photo ainsi que vidéo et visionnent les images sur place, en avant-première ! Ils découvrent ainsi tous les secrets de l’ours des Pyrénées et l’exceptionnelle richesse de la biodiversité du massif.
Objets de sciences, musée pédagogique itinérant par le Centre de l’Imaginaire Scientifique et Technique (CIST) et Le service des collections de l’Université de Toulouse, Hérault (34) et Haute-Garonne (31)
Le Centre de l’Imaginaire Scientifique et Technique, l’Université de Toulouse et l’Université de Montpellier se sont unis pour créer un programme d’animations innovantes en croisant leurs collections d’objets scientifiques. Durant l’après-midi du forum de nombreux objets de sciences étaient exposés. Par conséquent, ils donnaient un aperçu aux participants de ce musée itinérant. Ce projet bénéficie de l’aide de la Région Occitanie.
Vulgarisation scientifique en biologie & écologie par Ad Naturam, Haute-Garonne (31)
L’association Ad Naturam proposait plusieurs formats de vulgarisation scientifique : des affiches, des planches illustrées ou encore des jeux pédagogiques. Ces supports permettent d’intégrer l’écologie scientifique au sein de projets de manière ludique et accessible. Ils ont pour objectif de développer des projets sur mesure, adaptés aux publics et aux enjeux touristiques. Par ailleurs, les prestations et productions sont conçues par des scientifiques écologues professionnels et indépendants.
Le changement climatique dans notre territoire par Les Petits Débrouillards Occitanie, Hautes-Pyrénées (65)
Les Petits Débrouillards Occitanie ont présenté un atelier scientifique qui vise à sensibiliser le public sur la nécessité de mettre en place des actions de transition face au dérèglement climatique. L’objectif de ce projet est de garantir une meilleure gestion, une meilleure répartition des ressources naturelles, ainsi que le développement de modes de vie compatibles et respectueux de l’environnement. Grâce à ce projet, les participants pourront alors mieux comprendre les multiples conséquences du réchauffement climatique (tempêtes et inondations plus fréquentes, sécheresses, canicules, pollutions) et comment y faire face afin de s’adapter.
La Maison des Sciences du Mas-d’Azil par l’association Grottes&Archéologies, Ariège (09)
Grottes&Archéologie ont présenté les prémices du projet de la Maison des Sciences du Mas-d’Azil. C’est un nouveau lieu scientifique, culturel, citoyen et social à deux pas de la grotte dans les anciens locaux de la centrale hydraulique.
Festival d’Astronomie de Tautavel et l’atelier « Survie comme à la Préhistoire » par le Centre Européen de Recherches Préhistoriques de Tautavel, Pyrénées-Orientales (66)
Le Centre Européen de Recherches Préhistoriques de Tautavel a présenté deux initiatives.
Le festival d’Astronomie de Tautavel est le fruit de la collaboration entre l’association 450 000 années lumières et le musée de Préhistoire de Tautavel. Il s’adresse à tous les publics, du simple curieux à l’amateur averti. Durant quatre jours, l’accès aux conférences, observations diurnes et nocturnes ainsi qu’aux ateliers est entièrement gratuit ! Par ailleurs, une partie de l’éclairage du village est coupée pour limiter la pollution lumineuse.
Le temps d’une journée dans la nature, les participants apprennent les techniques qui ont permis à nos ancêtres de vivre. En effet, dans l’imaginaire collectif, l’homme préhistorique survit dans une nature hostile, entouré de bêtes féroces. « Survie comme à la Préhistoire » est donc une journée qui déconstruit cet imaginaire.
Ressources complémentaires
- Appel à projet de la Fondation Snowleader
- Pourquoi le réchauffement climatique s’accélère dans les Pyrénées ?, The Conversation
- La mise en tourisme de la culture scientifique en montagne : défis et enjeux pour des territoires en transition, OpenEdition Journals